dimanche

* Loch Maree . [260211-140311] .



Quand on voyage, on perd toute notion du temps et des choses. J’oublie quel jour on est et a quelle heure on vit. Parfois les aiguilles de la pendule tournent au ralenti, parfois elles tournent a toute allure. Parfois j’ai l’impression de n’etre que jeudi et nous sommes déjà dimanche. Parfois, meme, j’oublie que je suis en Ecosse et j’ai l’impression d’etre en Suisse.

Reflexion absurde.
Je trouve absurde la notion de nation. A part un vulgaire bout de papier avec mon prenom et mon nom ecrit dessus, qu’est-ce qui prouve que je suis Suisse? Bien-sur, j’aime le chocolat et la fondue au fromage. Bien-sur ma montre est Suisse. Et alors? Je ne l’ai pas achetee pour sa marque. Et le jour de la fete nationale je reste enfermee chez moi devant la television car je deteste cette date. Donc? Qu’est-ce qui fait que je suis Suisse?...

C’est samedi 26 fevrier 2011. Je prends le train jusqu’a Inverness ou je dois attendre 3 heures le seul et unique bus en partance pour Gairloch. J’y retrouve Thierry, un ami rencontre grace a Corris (et oui, meme les choses les plus sottes du monde apportent du positif!) et qui, en realite, m’a donne envie de debarquer en Ecosse, sous pretexte de lui rendre visite. On mange un fish’n’chips en buvant une Best (qui est the Best beer, ahaha.. ok c’était facile…) Et on se quitte en se donnant rendez-vous deux semaines apres. Inverness... Le dernier point de concentration capitaliste avant le néant total...
   Le trajet en bus dure 2h30. Le soleil se couche et je ne comprends jamais quand est-ce qu’il faut que je descende. Je ne vois plus rien a travers la fenetre, a part la profondeur des tenebres de la nuit. Et c’est presque inquietant, je dirais, cette ambiance qui s’installe, cet inconnu vers lequel je vais…
   Quand le paysage est totalement efface par la fenetre, j’arrive enfin a Gairloch et une armoire a glace qui rigole et qui marche vite, avec son sourire et son accent anglais, m’accueille. C’est Nick, l’hote chez qui je vais vivre pendant deux semaines. Il a un superbe sens de l’humour (que je ne comprends pas toujours, j’avoue…) et il ressemble a un ours qu’on voudrait prendre dans ses bras. Je monte dans la voiture avec lui (pour la premiere fois a gauche sans avoir l’intention de conduire !) et on roule jusqu'à un bar ou je rencontre son ex-femme Lisa et leur fille de 10 ans, Lily (accessoirement leur cabot Leo, aussi). Juste le temps de boire un coca et de realiser ou je suis…
   Je remonte dans la voiture avec Nick et on roule dans le noir jusqu’au Loch Maree Hotel. Je m’attendais a voir un immense hotel en pierre, au bord du lac, avec plein de monde a l’interieur qui boivent des verres au bar et jouent au billard. Ce que j’ai trouve est un hotel devaste, vide. Il n’y a personne, tout est ferme. De fortes averses ont tout devaste l’interieur de l’hotel pendant l’hiver. Papier peint arrache, moquette enlevee, parquet troue, de la poussiere partout, de longs couloirs vides avec la lumiere blanche, les chambres vides, ouvertes sur une profonde ombre qui ne dit rien qui vaille.
   Voila. J’ai 18 ans. Et je suis seule dans un hotel devaste avec un homme divorce que je ne connais qu’a travers de simples mails. Nous sommes perdus dans la campagne ecossais avec rien a part des cerfs. Peu de reseau pour le portable, pas de wifi, juste le silence. Et la solitude.
   En debarquant dans ce tableau, je vous l’avoue, j’ai eu l’impression de vivre un parfait film d’horreur a la Stephen King. Le grand serial killer qui cache un cimetiere de petites filles derriere son masque de gentil gros nounours. Il pourrait me violer et me tuer (ou l’inverse), sans que personne ne le sache. Parce qu’avant de m’exiler la-bas j’ai averti mes proches en leur disant que je ne pourrais pas leur donner beaucoup de nouvelles.
   Me voila face a un choix : partir et sauver ma peau pendant qu’il est encore temps, ou rester et peut-etre vivre une experience formidable.
   En partant en voyage, j’ai decide de faire confiance a la vie. J’ai choisi de rester. Et me voila. A l’heure ou j’ecris ces lignes, je suis a Edimbourgh. Et je reviens d’une aventure campagnarde qui m’a certainement changee. Et vous savez quoi ? Nick ne porte pas de masque. Nick est l’incarnation de la politesse, de la gentillesse et du respect. J’ai appris a quel point il ne fallait pas avoir de prejuge sur les gens. Et surtout, combien le mental est absurde, a toujours imaginer le pire plutôt que le meilleur.

   Je suis dans une chambre magnifique, miraculeusement epargnee de la destruction de l’eau. Chaque matin, pendant 2 semaines, je me reveille avec une vue sur le Loch Maree, toujours differente suivant si le soleil a choisi de se lever, si les nuages ont fui, si la neige tombe en gros grain de flocon, si la pluie se deverse lentement en micro goutelettes, si le vent se tait et laisse le lac parfaitement plat, refletant le profil des montagnes… Chaque jour, je vois le meme paysage. Et chaque jour, ce paysage est different.
   Je vois cette region bleu roi. Le bleu profond des ombres des montagnes. Le bleu des trefonds du lac noir. Le bleu du ciel lorsqu’il ne se cache pas derriere des nuages et de la brume. Le bleu de la mer qui se confond avec le ciel a l’horizon, le bleu du lac qui devient le pied des montagnes. Bleu roi et profond, qui guide le regard de l’inquisiteur dans le silence. Bleu roi qui se tait et qui observe. Bleu roi qui evolue durant la journee.

   Quand j’arrive, Nick m’annonce qu’il doit aller a Glasgow pour une exposition ou un congres par rapport a l’hotel (pas tres bien compris quoi, m’enfin, c’est au sujet de l’hotel) alors le lendemain de mon arrivee on part avec quelques affaires, en voiture. Il en profite pour faire un grand tour et me faire visiter toute la region avant de descendre sur la ville.

   Applecross : lieu dedie a Maehrulba, un pelerin qui est parti en barque depuis l’Irlande jusqu’au Nord-Ouest de l’Ecosse pour rependre le Christinianisme.

   Eleen Donan Castle : le plus recent château, sur une ile dans un lac, rattache a la terre ferme par un pont.

   Fort William : une petite ville au bord d’un lac ou on reste une nuit dans un hotel.

   Degustation de whiskys : mon prefere est celui de la reigion du Jura. Quelle bonne blague !

   Le lendemain, on reprend la route pour Glasgow. En y arrivant, Nick me laisse pres de la Charing Cross Station et je vadrouille toute seule toute la journee pendant qu’il est a son congres d’hotel.

   Mackintosh’s Church. La seule eglise dessinee par l’architecte originaire de Glasgow, Charles Rennie Mackintosh. Elle est petite, intime, sombre, melange le moderne au gothique dans un etonnant accord. Les motifs graves dans le bois formant la chair semblent tires d’un songe de science-fiction, melant le vegetal a l’animal. Dans le hall de l’eglise, il ya un piano tres etrange et rare, enferme dans une grande boite en bois, dessine par Mackay Hugh Baillie Scott, un designer anglais contemporain de Mackintosh.

   St-George’s Tron Parish Church. Et oui, moi et mon obsession des eglises et des cathedrales, je suis tombee dans cette petite eglise reformee ou un type completement convaincu et une petite vieille trop chou m’ont accueillis pour parler. Evidemment, n’etant pas croyante, je me demandais ce que je faisais la, je leur ai dit que j’etais simplement curieuse de voir l’architecture de l’eglise. La petite vieille m’a fait une visite guidee et le type convaincu m’a offert un livre, « to bless me ». Ca fait plaisir.

   Glasgow Green. Immense parc de Glasgow, tres joli et tranquille. J’aurais envie de me poser dans l’herbe, sous le soleil, et de faire un pic-nic.
  
   Les parcs dans les grandes villes sont fascinants car le comble du paradoxe urbain. Ils sont au centre de la ville, la ou il y a le plus de traffic. Et pourtant, c’est la tranquilite-meme. Les gens se balladent, font leur jogging, promenent leur chien au cœur d’une ville qui semble s’arreter un instant, pour se reposer, enfin.

   Cafe Nero. Ou comment boire un bon caffe latte en Grande-Bretagne… (j’avoue que le cafevanilleetunverredeau de l’Intemporel me manque beaucoup…)

   Comment oter le masque d’une pouff ecossaise ? Il suffit de la demaquiller… Et ce qui se cache derriere n’est pas beau a voir (du moins si quelque chose s’y cache…)

   Le soir, je retrouve Nick pour aller manger.

   Lost souls. Nouveau bar super bien, sombre, decale avec des clients etranges habilles en noirs et aux cheveux colores.  On sirote un Black Russian Cocktail. (Smirnoff, liqueur de cafe, coca. Je le conseille a tout le monde…)

   The butterfly and the pig. Un charmant petit restaurant tres intimiste, avec des couverts au manque d’ivoire et aux nappes brodees. Kitch, sympa, joyeux. Meme la carte est amusante a lire, avec des jeux de mots partout et des references. Un regal et un reel plaisir. Rien que pour le nom du restaurant, ca vaut la peine d’y aller…

   Dans les pubs en Ecosse, le soir, ils font des quizz et les clients doivent repondre a des questions absurdes.

   The real English gentleman marche toujours du cote de la route sur le trottoire car ainsi, en temps pluvieux, c’est lui et pas la lady qui se fait eclabousser par les voitures qui passent dans les flaques.

   Les habitants de Glasgow sont en Ecosse ce que sont les Lausannois en Suisse : ils doivent avoir les plus beaux mollets du pays…

   Le troisieme jour de notre escapade, nous reprenons la voiture et retournons vers Gairloch d’une traite (environ 5 heures). Le moment que nous passons dans la voiture est un moment que j-apprecie tout particulierement. Nick regarde droit devant lui, il conduit. Et moi, je regarde par la fenetre, je m’evade. Mon esprit parcourt la courbe des montagnes, analyse les couleurs du paysage et les melange. Je pense a mille choses en meme temps sans jamais etre capable de dire a quoi je pense.   On roule a toute vitesse sur des routes sinueuses, qui tournent, qui montent, qui descendent. Dans les vallees entourees de montagnes gigantesques, brunes et ocres, taches de gris par des rochers et de vert par quelques armees de conniferes. A cause de l’erosion, les montagnes fissurees semblent avoir trop pleure. Il n’y a rien, sinon quelques arbres nus, des panneaux attentions aux cerfs et aux moutons, quelques voitures. Et le silence. C’est tout.

   En fait, j’ai rencontre Nick depuis le site internet workaway.info. Mon but était de trouver des places de travail contre de la nourriture et un logement, pour quelques semaines. Je me suis dit que ce serait bien de pouvoir enfin apprendre a faire la vaisselle, la lessive, la cuisine et le menage, en vue de mon futur appartement… =) Mais Nick voit les choses differemment. S’il y a quelque chose a faire, il me le dit, et sinon, je fais ce que je veux. Son but a lui est de rencontrer des gens, leur faire decouvrir la region, leur faire part de son grand savoir historique et créer une ambiance familiale.
   Un jour, Nick me dit qu’il a perdu un de ses bateaux a moteur entre les 29 iles du Loch Maree et qu’il faudrait aller le rechercher. Soit ! Il me prete des chaussures en caotchouc qui font du 44 et on embarque sur l’eau glacee, a la recherche de son bateau perdu. En realite, c’est plutôt un pretexte pour me montrer un tresor de la region…
   Isle Maree. C’est une petite ile magique ou sont enterres le Prince Olaf et son epouse (une histoire digne de Romeo et Juliette mais bien des siecles plus tot). Cette ile est enchantee. Il y regne un calme bizarre et presque anormal. Elle se situe exactement au centre du Loch Maree. Ses pierres et ses cailloux qui forment une plage l’entourant sont d’une variete etonnante et il est impossible de savoir comment certaines sortes de pierre tres rares et provenant de tres loin ont pu atterrir ici… En fait, il n’y a pas de rocher sur cette ile, contrairement aux autres. En son centre, un vieux mur de pierres forme un cercle parfait. Et au centre de ce cercle, il y aune plaque en pierre brisee. Nick m’explique que c’est la que les druides faisaient des sacrifices d’animaux. Tout pres, il y a des tombes tres anciennes et une croix en pierre representant un des ancien possesseur du Loch Maree Hotel qui s’est tue apres avoir empoisonne 6 clients de l’hotel… (Et oui… Comme vous pouvez vous en douter… Ce hotel est hante…) Sur cette ile, il y a beaucoup d’arbres de houx, tres hauts (alors que normalement, le houx est un buisson…) et de chenes qui ont été importes et plantes de manière tres logique et reguliere. Certains arbres morts et renverses sur le cote ont encore des branches qui donnent inexplicablement des feuilles et des fleurs au printemps… D’autres arbres sont incrustes de tres vieilles pieces de monnaie, car l’ile était un lieu de donation aux Dieux.  Le plus etonnant est qu’en 2005, une immense tempete a fait rage dans ce highland. Plusieurs arbres immenses sont tombes, pres de Victoria Falls (pres de l’hotel), et pourtant, sur l’Isle Maree, aucun arbre n’a été deracine a cause de cette tempete… Cette ile, cette foret, ces vieux arbres qui ont du voir tant de choses, qui deviennent la mémoire de ce qu’a vecu cette ile… Tout est calme. Silencieux. Les arbres tortures semblent simplement attendre que quelque chose se passe a nouveau dans ces lieux sacres.

   Nick cuisine tres bien. Ca me change du fast food tous les jours… Et chaque soir, apres le diner, on regarde un film. Il a une petite collection de DVDs qui va en tout genre. Mais je flash sur son coffret d’Audrey Hepburn. On regarde 4 de ses plus grands classiques, et je tombe carrement fan. Miss Hepburn, notre icône a tous. Maintenant, je comprends pourquoi.

«  A woman happily in love, she burns the soufflé. A woman unhappily in love, she forgets to turn on the oven. »
Sabrina.

  Les montagnes qui se refletent parfaitement dans l’eau me font penser a des taches de Rorschach en couleurs.

Interruption brutale. J ai rendezvous avec ma couchsurfeuse d Edimburgh !!...


BIP! Me revoilà Dieu sait combien d'heures plus tard.  J'ai bien fait d'attendre, voilà un clavier francophone, je vais enfin pouvoir écrire convenablement...


Où en étais-je?


Ah oui...


Nick est malin. Il me dit:
- Mmmh... I reaaaally would like a cup of tea.
- Ah! Good idea! I'll do it!
- Haha! Thank you! *Smile*.


A part préparer du thé et nettoyer les cabanes style norvégien pour accueillir 5 hommes fous pour quelques jours, j'écris. Oui, J'ai vite compris que la Vioxymore, en plus de boire, manger, dormir, évacuer, pour vivre, elle a besoin d'écrire. Alors écrire. Chaque jour écrire. Chaque seconde écrire. Toute la journée écrire. Devant le lac. Près de la cheminée. Sous la pluie toute fine. Dans le highland. Dans le silence. Dans la musique. Près de la rivière. Près de l'eau. Ecrire. Ecrire. Ecrire.


   Un jour Nick a envie de me bringuebaler en voiture à travers la région.


   Red Point. Une plage au sable presque rouge, entre des dunes de sables, de pierres violettes, de touffes d'herbes vert clair, la mer et les rochers qui plongent en elle. L'eau qui se retire de la plage creuse d'étranges dessins en forme de flammes sur le sable.


   Pic-nic sur un banc. Il fait beau et chaud. On se croirait au printemps. On poursuit notre route pendant de longues minutes qui défilent avec le paysage. On traverse Gairloch et on continue sur une route plus sinueuse et tortueuse. "Do you know what is at the end of this road?" me demande-t-elle. Mais je n'ai aucune idée. Après une demi heure de montagne russe, on arrive vers un phare peint en blanc immaculé, transformé en hotel. Il n'y a rien, autour, si ce n'est la mer et les falaises. J'ai l'impression dêtre au bout du monde... Je m'assieds sur les falaises raides, escaprées, qui plongent dans l'océan agité. Et je regarde l'horizon désert qui suit la courbe de la terre. J'avais toujours revé de voir ce paysage torturé. Merci Nick de m'avoir permis de me rendre sur une des terres où je rêvais d'aller.
   Assise, j'écris simplement dans mon carnet.
   Je suis là où l'océan s'éclate sur les falaises. La mer est au paroxysme de sa puissance. La mer détruirait quiconque oserait s'approcher d'elle par les falaises escarpées. Il vaut mieux la contempler en silence et écouter sa colère.
   A l'horizon, la vaste étendue de l'eau qui cache dans ses tréfonds mille et un mystères. Le prochain arret en bateau serait l'Amérique. A la nage, il serait la mort la plus douloureuse, brûlante dans la mer froide. 
   Je pourrais passer des heures à écouter la mer, regarder ses lents mouvements de vagues qui la soulèvent et l'écrasent contre les rochers. Du bleu roi de ses profondeurs au blanc immaculé de son écume, la mer évolue constamment dans un souffle régulier. Elle s'en va pour toujours revenir. Elle revient pour toujours repartir. La mer vit et l'amère vie devient ce mouvement ondulatoire qui ne s'ennuie jamais. La mer tue et l'amertume qu'elle laisse derrière elle efface tous ses remords. La mer meurt et l'âme erre et demeure perdue, troublée, fatiguée par le ressac des vagues.
   Je finis par pleurer de beauté. 


   Nick et moi reprenons la voiture. Il m'emmène au sommet d'une grande colline où il y a l'antenne de la radio. Juste une longue étendue de terre au loin, très loi, les montagnes et la mer qui se lie au ciel. Il n'y a rien, absolument rien. Si ce n'est quelques moutons égarés... Et le silence. Le silence apaisant. Le silence vide. Le silence de la solitude. le silence assourdissant. Le silence dont l'écos du soupir n'est que le miroir de ce qu'il y a au fond de soi. Et je regarde, et je vois, et je me perds dans ce silence, et je me trouve dans ce silence..
   L'Authenticité existe. Elle s'est brisée. Le silence des highlands écossais donne la clef pour accéder à une de ses bribes. Ce silence qui murmure ce qu'on se borne à ne jamais écouter.


   Nick est un cuisinier formidable. J'ai trouvé l'équivalent de 4 fois mon appétit. ça change des sautes d'humeur de mon estomac qui ne mange plus ou avale sans plaisir du fast food. Nick a eu la mauvaise idée de me montrer le bar de l'hôtel en disant "help yourself!". Il est Anglais, pour de vrai. Juste un Anglais exilé en Ecosse par amour du paysage. Mais un Anglais en Ecosse reste un Anglais, qui boit des litres de bière, de vin par jour, comme si c'était de l'eau. Ce n'est pas de l'alcoolisme. C'est juste l'accoutumance des pays nordiques.


   En Ecosse, il y a des endroits où il n'y a tellement rien, qu'ils sont obligés de créer des bus-cinéma, des bus-bibliothèques et des bus-office de police qui se balladent dans la région.


   Certaines nuits, le vent se lève et se déchaîne. Il s'engouffre dans les couloirs et fait claquer les portes. Aussitôt je sombre dans le sommeil qu'un bruit sourd me réveille. Entre la réalité et le songe, j'ai parfois l'impression que ce sont les fantômes qui me parlent. Ou alors, j'ai l'impression que l'hôtel entier va se transformer en poussière, qu'il va s'envoler et que je ne me réveillerai jamais. En même temps, une certitude persiste dans ma tête: je me sens en sécurité, ici. Rien ne peut m'arriver de grave. Je m'accroche à des images jusqu'à ce qu'elles se matérialisent en rêve. Et puis ça va mieux, jusqu'au prochain réveil.


   Je passe mes journées à écrire, à dessiner, c'est tout.


   Un mois. Un mois que je n'ai pas revu mes amis ni entendu leur voix. Un mois que je n'ai pas embrassé mes parents et mon frère. Tout cela ne semble qu'un rêve. J'ai parfois le sentiment que toute cette cavale ne s'arrêtera jamais.


  Nick me fait goûter le Haggis, une bouillie de viande de boeuf et de céréales, traditionnellement cuite dans un estomac d'agneau. Typique du pays. Et en fait, c'est bon! Mais je reste sceptique quant à son contenu... Certains prétendent qu'il y a dedans des abats de moutons, du cerveau et des poumons d'agneau.. Je crois qu'il vaut mieux ne pas savoir ce qu'il y a réellement à l'intérieur...


   Chaque soir, un film différent. Mais celui qui me marque le plus est "Atonement".
   L'histoire de cette fille qui voit une scène par la fenêtre et l'interprète à l'envers, une suite de découvertes qui tissent une histoire avec le mauvais fil, une homme privé de son amour à cause d'un grave malentendu. L'horreur, le désastre, l'écroulement d'une famille entière. Juste à cause du regard d'une petite fille. Le film est rythmé par une musique frappée du bruit de doigts qui tapent à la machine. Le temps s'inverse. La chronologie se morcèle. Et les personnages espèrent l'impossible: que rien ne se soit passé ainsi ce soir-là, soir où la vie de tous a basculé dans l'obscurité...


   BBC News Scotland. 
   A la maison, je ne regarde jamais les nouvelles, ni la télé. Je prétexte un manque de temps. mais en réalité, c'est que je ne veux pas voir l'horreur du monde. Je la connais, j'en ai conscience. Et je ne veux pas la voir.
   Nick s'est excité toute la semaine passée sur la BBC News qui ne parlait que d'une chose: Lybia uprising. Chaque jour les mêmes images. Ces pauvres gens avec leurs mitraillettes, les enfants qui chantent, trop jeunes pour comprendre, ces hélicoptères qui défilent comme une parade vers le changement. Aujourd'hui, la BBC News change de registre. Enfin. Elle nous parle du désastre au japon, causé par un tsunami qui touche une zone nucléaire, emportant avec lui des ondes radioactives. Après l?Egypte et la Tunisie, la Lybie qui se révolte. Après en Haèiti et en Thaèilande, tsunami au Japon...
   Que veut la Terre? Qu'e veut-elle montrer? Qu'est-ce que la Nature a à nous dire? Sommes-nous trop bornés pour ne pas l'écouter? Comment les choses vont-elles évoluer?
   L'homme détruit pour construire. Et puis il se révolte contre lui-meme. Comme en échos, la nature se révolte aussi. Mais je lui fais confiance, elle gagnera la guerre que nous avons entrepris contre elle.
   L'homme a fait trop de mal sur cette planète. Chaque crime, chaque délit est un coup de pied dans le mur du Monde. Quand une brique se brise, c'est la nature elle-meme qui vient la réparer. Et elle nous ressemble, cette nature: elle détruit avant de reconstruir ce qui lui appartient. Peut-etre qu'elle croit tout de meme à la Beauté de l'humanité. Peut-être qu'au fond elle détruit ceux qui sont de trop pour tester les meilleurs et les convaincre de se ranger auprès d'elle et son armée.
   Je ne peux m'empêcher de me demander où on va?... Hey! Bougeons-nous! Le gouvernail du navire Terre est mal dirigé! Hissez les voiles, parez-vous à virer, empannez et choquez les voiles, faites quelque chose pour stopper la tempête!...
   Arrete, Vioxymore, tu n'es qu'un paradoxe insignifiant, une petite femme qui ne comprend rien, un simple grain de sable sur la plage. Tu ne pourras rien changer...
... sauf si Vioxymore, le grain de sable, se glisse dans l'engrenage...

   Parfois le soir, au Loch Maree Hotel, je m'endors en voyant les biches dans le jardin, qui mangent tranquillement. Je vois le clair de lune, aucun nuage, juste le reflet de la lune qui scintille sur le lac noir. Et le lendemain, je me réveille et j'aperçois par la fenêtre que tout est blanc. La neige arrive... Au beau milieu du mois de mars... On aura tout vu!


   Un des dernier soir que je passe avec Nick, il allume un lampion chinois qui fonctionne comme une mongolfière. Il le laisse s'envoler dans les airs, monter lentement dans les étoiles et disparaitre, s'éteindre tout doucement. "Now, there is the Violette's star in the sky." dit-il.


   Le dernier jour que je passe avec Nick, il m'emmène une voiture pour la dernière fois jusqu'à:
   Ullapool. Une ville portuaire qui fait les meilleurs fish'n'chips. La ville se situe à 1h en voiture de Gairloch. Et pour y parvenir, il faut affronter le vent, la neige, le soleil, les cerfs, les maisons abandonnées, les faisans, les chèvres et les moutons...


   Nous sommes retournés, avec Lily sa fille cette fois, au phare. Sauf que cette fois, il y avait un vent incroyable, contre lequel il était impossible de courir. Un vent qui nous entraîne loin et qui emporte avec lui ce qui nous est cher si nous n'y prenons pas garde. Un vent qui fait hurler les vagues en mettant en coère la mer, provoquant sa lente houle dévastatrice. Du sel sur les lèvres, une coupe de cheveux absurde, de la difficulté à ouvrir la porte de la voiture. La voilà, la tempête de l'Ecosse. Et voilà que le vent a tourné pour moi aussi...


NEXT STOP : INVERNESS .



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1 commentaire:

  1. Mon Dieu!!! C'est ton meilleur message bordel! J'ai adoré!

    La mer vit et l'amère vie devient ce mouvement ondulatoire qui ne s'ennuie jamais. La mer tue et l'amertume qu'elle laisse derrière elle efface tous ses remords. La mer meurt et l'âme erre et demeure perdue, troublée, fatiguée par le ressac des vagues

    Hey! Bougeons-nous! Le gouvernail du navire Terre est mal dirigé! Hissez les voiles, parez-vous à virer, empannez et choquez les voiles, faites quelque chose pour stopper la tempête!...
    Arrete, Vioxymore, tu n'es qu'un paradoxe insignifiant, une petite femme qui ne comprend rien, un simple grain de sable sur la plage. Tu ne pourras rien changer...
    ... sauf si Vioxymore, le grain de sable, se glisse dans l'engrenage...


    Je cite quelques mots mais y en a tellement d'autres excellents! thanks for sharing! Mythique..

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