" Ce qui nous construit réellement, c'est ce qu'on ne choisit pas de vivre. "
Amarit le Corrupteur.
En quittant cette famille de fous à la station de bus, avec Corey qui avait les larmes aux yeux et Itamar qui tentait de me faire sourire sans que je ne puisse savoir d’où il puisait sa force pour cela, j’ai soudain eu envie qu’ils trouvent tous le moyen de me faire rester. Dans le bus, j’ai longuement pleuré, sans savoir comment m’arrêter. Mes émotions étaient comme brassées, secouées, bouillonnantes et débordantes. Une casserole de lait qui bout trop longtemps et qui déborde.
Je change à Kiruna. Je descends du bus et me dirige vers la gare pour prendre un train. Il pleut. Exactement comme la dernière fois que j’étais ici.
Après des heures de voyage, j’arrive à Gällivare. L’auberge Stay in est juste en face de la gare, dans un immeuble carré, en briques rouges. Je trouve la clef de ma chambre dans une boîte aux lettres à l’entrée car il n’y a pas de réception. J’ai une double chambre privée, mais il n’y a personne d’autre. C’est très propre, très grand sur plusieurs étages. Je m’y perds un peu, mais on s’y fait.
Aitik, Boliden copper mine. Je voulais aller voir la mine de fer, mais elle est fermée pour cause d’incendie. À la place et pour le même prix, il est possible d’aller voir la mine de cuivre. Je me rends sur le lieu de rendez-vous. Une petite bonne femme toute maigre débarque avec son petit bus. C’est la guide. Nous ne sommes pas beaucoup de touristes, mais je peux garantir être la plus jeune, à cause du fait que je suis la seule à ne pas avoir de cheveux blancs. La guide nous emmène d’abord au musée LKAB, le musée sur la compagnie qui exploite les mines de fer à Kiruna et Gällivare. C’est intéressant, il y a exposés des pierres précieuses, du matériel qu’ils utilisaient à l’époque, un petit film est montré. On reprend le bus pour aller à la mine de cuivre. Elle est gigantesque. En tout, elle mesure 28 km2, mais le trou d’extraction est large d’un kilomètre, long de trois, pour une profondeur de 420 mètres. Ils veulent d’ailleurs atteindre 600 mètres. La mine a été découverte dans les années 30’, mais c’est en 1964 qu’ils ont eu les moyens de l’exploiter. D’après les statistiques, ses richesses pourraient être utilisées jusqu’en 2029. Le principal métal exploité est le cuivre, bien qu’ils y ait aussi des ressources d’or et d’argent. Le cuivre est utilisé dans tout le pays pour la construction d’engins qui forment la modernité du monde actuel. Avec le bus et la drôle de guide, nous descendons dans la mine. C’est comme entrer dans la cage d’animaux dangereux dans un zoo. Les machines qui se meuvent autour de nous sont d’une hauteur et puissance impressionnantes. Elles travaillent les pierres pour les réduire en plus petits morceaux et les transporter plus loin avec d’autres camions gigantesques pesant environ 500 tonnes une fois remplis, pour encore les réduire en plus petites pièces. Une fois par semaine, une explosion détonne pour briser la pierre. Tous les jours, la mine est exploitée. Même quand il pleut.
Gällivare Kyrka. Jolie petite église en bois construite en 1882 car l’autre église sami au bord de la rivière Vassara était devenue trop petite pour accueillir la population accrue de la ville.
Le dernier soir ici, je marche un peu. Je traverse un pont qui enjambe les voies de chemin de fer. Ici, les maisons sont si proches de la nature que la circulation de la ville ne se fait presque plus entendre. Les maisons en linteaux rouges ou blancs semblent me regarder avec leurs fenêtres, silencieuses comme quelqu’un qui attend, inquiétantes comme l’habitation d’un fantôme.
Juste éteindre mon cerveau. Prendre une profonde respiration. Regarder la vie. La sentir. La frémir. Oui… Être. Juste être. Plus rien ne compte ensuite. Non.
Respirer l'air de cette ville d'un rouge ferreux.
Respirer l'air de cette ville d'un rouge ferreux.
Depuis que j’ai quitté Junosuando, l’appétit me manque gravement. J’ai peut-être pris cette habitude de ne manger que des graines. Je n’ai pas envie d’aller me coucher. Je vais prendre un verre dans le Grand Hotel Lapland à côté de Stay In. Un cocktail Black Russian. Qui me monte très vite à la tête. La tête me part, mes idées s’embrouillent. Peut-être devrais-je retourner à Junosuando. Peut-être pas.
Je vais sur l’ordinateur pour voir les connections pour le lendemain direction le Nord, encore. Le site ne fonctionne pas.
En voyageant, j’ai appris à faire confiance aux signes que m’envoie la vie.
Et puis, le vent tourne, je pars déjà. Au Sud, cette fois.
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