" L'oie sauvage doit savoir manger de l'air et boire du vent! "
Akka de Kebnekaïse.
Signe veut aussi aller à Stockholm alors on se donne rendez-vous le lendemain matin pour partir ensemble. Et je mets les pieds dans la capitale que j’ai longtemps attendue. C’est la première fois de mon voyage que je mets les pieds dans un endroit inconnu avec une inconnue. C’est un étrange sentiment…
On se rend à l’auberge Best Hostel Old Town, à Gamla Stan, la vieille ville. L’auberge est superbe, très grande, spacieuse, pratique, avantageuses et bon marché. Les sanitaires ne sont pas toujours propres, mais bon, on fera abstraction, je dirais… Signe prend aussi un lit pour elle et son amie qui va la rejoindre le soir.
Je squatte Internet pour retrouver un mail d’une amie lointaine que j’espère bientôt retrouver qui m’avait donné quelques adresses sympathiques. Et je suis parée.
Signe et moi partons en ville ensemble. On magne une glace (ma première de l’été !) et on parle. On va à l’office de tourisme pour que j’achète mes billets pour le tour Millénium (<3) et la carte qui va avec, puis on passe à l’office des ferries car elle veut organiser son séjour, pensant peut-être débarquer en Finlande avec son amie.
Signe et moi avons beaucoup de choses en commun, dont la soif d’écriture et de lecture, l’ambition mordante du voyage, de la recherche de liberté, de la découverte du monde entier. On marche au hasard, dans les quartiers de Norrmalm, Kungsholmen. Soudain, il pleut. Mais la pluie est si fine et légère qu’il est presque impossible de la sentir. On finit dans un sympathique café pour boire un jus d’orange. Elle me fait la confidence qu’elle a vu à Uppsala un homme avec des jambes si maigres qu’elle en a été choquée. Elle avait besoin de le dire à quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était une personne aussi anonyme que moi. La discussion a dévié sur la question du regard. À quel point peut-on regarder ou ne pas regarder une personne qui présente une différence physique flagrante ? Nous en avons déduit que tout dépend de la sorte de regard, s’il est chargé d’hostilité dégoûtée ou de compassion souriante.
Signe fait beaucoup de voile, me raconte-t-elle, et a voyagé plusieurs mois sur un immense trois mâts manœuvrés par des dizaines de personnes. Ça me fait rêver…
Et puis, on se quitte dans la rue.
Vegetarisk Matcafé. Restaurant avec buffet végétarien. Le type me fait un rabais car je ne prends qu’une assiette. L’appétit me manque à nouveau. Je compte mes derniers jours à voyager seule. Bientôt, une VIP va débarquer dans la capitale depuis la Suisse pour me rejoindre.
Je marche dans Södermalm, trouve l’appartement de Mikael Blomkviste, visite Riddar Holmen dite l’île des chevaliers, et ses anciens bâtiments. Cette ville est belle, inquiétante, étrange. Les gens glauques et mystérieux. Il y a quelque chose, comme des non-dits qui flottent dans l’air. J’adore. Et je cherche partout Lisbeth. Elle n’existe pas. Tant pis. Je la trouverai bien.
Schweier Konditoriet. Pâtisserie chaleureuse à Gamla Stan, où l’on peut déguster de fabuleuses fika (merci Valentine… J ) Du salé, du sucré, toute la marchandise appétissante est présentée dans une vitrine sur le comptoir et donne l’eau à la bouche. Je déguste une tarte aux pommes moelleuse, avec un coulis vanille et vannelle, un punschrulle (of course) et mon éternel café latte vanille servi dans un immense bol. La vie est belle, vraiment.
Je voulais prendre une photo de cet alléchant petit-déjeuner, avec Jack en arrière plan que j’ai posé assis sur la chaise en face de moi. La batterie de mon appareil argentique meurt à ce moment-là. Une Anglaise me regarde, puis jette un œil à Jack et se rit gentiment de moi. Je crois que cette vision devait être pathétique, en effet : une jeune fille seule qui prend son petit déj’ face à un squelette. J’en ris aussi. Car la vie est merveilleuse.
Tyska Kyrka. Immense église allemande de Saint-Gertrude. Construite au 15ème par deux architectes allemands, elle porte des caractéristiques de l’architecture hanséatique. Cette église a été attribuée à Gertrude, patronne des marchands de la Hanse qui avaient à cette époque là beaucoup de contact avec Stockholm. La décoration est pompeuse, chargée, étouffante et imposante. J’adore.
Gamla Stan. La veille ville. Tellement de touristes qui déferlent, de vacanciers fiers, stupides et ridicules. Je découvre un super magasin d’objets divers, dont des Moomins en peluche. Retour en enfance. En plus, y a Fifi Brindacier partout.
Fotografiska. Musée photographique, très grand, très beau, au bord de l’eau, avec une cafétéria donnant sur une vue splendide.
Mapplethorpe. Important photographe du 20ème qui ne voulait pas choquer, mais provoquer l’inattendu. Le pauvre n’a pas été satisfait des réactions. Si on parle encore de lui comme un des plus importants photographes de son temps, c’est bien au sujet des réactions engendrées par son travail sur le sexe. Cet artiste est aussi connu pour son talent et sa perfection dans la recherche de la pureté des formes grâce à la lumière. Son travail est divisé en trois sujets : le sexe, les portraits et la nature morte. Le premier vise à être explicite, inattendu. Mais inclut aussi des nus d’homme noirs et musclés et de Lisa Lyon, dont le photographe était éperdument fasciné par son corps « qui semblait venir d’une autre planète ». L’influence de Michelangelo et du néoclassique est nettement marquée. La plupart des portraits de Mapplethorpe sont d’enfants et leur innocence, et de grandes stars internationales en noir et blanc comme Patti Smith, Grace Jones ou Robert Rauschenberg. Quant aux natures mortes, l’artiste photographe cherche à montrer sa personnalité dans des objets inertes, « capturant ce qui pourrait être sculpté ». J’adore son travail. Je le trouve puissant. Le noir et blanc est travaillé avec perfection. L’étude du corps est fascinante. On ressent le poids de ces corps comme une masse inerte mais vivante, veinée et en tension.
Jacqueline Hellman. Cette artiste suédoise a photographié Cizzi, une amie atteinte d’une maladie psychique. Des photos d’elle, les bras couverts de cicatrices, parfois encore ouvertes et profondes, le corps si maigre qu’on n’oserait y croire, défilent sur des écrans. Je n’ai pas envie de voir, ni de regarder. Je me sens mal rien qu’à l’idée d’y penser. Trop de souvenirs reviennent soudain. Des souvenirs que je n’ai pas envie de dépoussiérer.
Eleanor Coppola. Odeur de foin. J’entre dans la pièce. Une salle formée d’un labyrinthe de bottes de paille. Des papiers griffonnés sont disséminés à l’intérieur. Des photographies de grosses pierres sont exposées en grand format. Coppola a perdu son fils dans un accident. Elle a désiré, avec cinq autres artistes, reproduire un lieu de souvenirs pour tous les enfants morts ou disparus. Les visiteurs sont invités à écrire quelque chose pour quelqu’un décédé un peu trop tôt. Je pense à Emanuelle, encore une fois, toujours une fois. Parce que je ne l’oublie pas.
Le travail de Jacob Felländer est intéressant. L’artiste suédois a trafiqué un vieil appareil photo argentique pour pouvoir prendre plusieurs photos sur le même négatif. Le résultat est étrange, mêlant sur une seule photographie en format géant des bribes d’images de différentes villes telles que Stockholm, Dubaï, Paris, New York, créant l’illusion d’être à plusieurs endroits divers au même instant.
Lin Bolin est un génie. En 2005, le gouvernement chinois détruit le Beijing International Art Camp, un endroit rassemblant des studios d’artistes, pour les empêcher de s’exprimer. L’exposition « Demolish ! Demolish ! Demolish ! » est alors mise sur pied par une centaine d’artistes. Le travail de Bolin est exposé ici (c’est d’ailleurs sa première exposition en Scandinavie) : « Invisible Man », qui vise à montrer l’artiste à divers endroits de la capitale chinoise étant peint de la même couleur et des mêmes motifs que le paysage derrière lui. Travail fantastique, mêlé d’humour et d’ironie pour transporter un important message politique visant à luter contre la censure chinoise. Je me trouve très nostalgique devant ces paysages et monuments chinois que j’avais devant mes yeux pour de vrai il y a un an…
La dernière partie du musée montre le travail du couple styliste-photographe Farago : « Northern Women in Chanel ». Les photos de mode montre un travail du couple sur des modèles de pays scandinaves et baltiques. Beauté froide, superficielle. Je dirais que ce travail, bien qu’impressionnant, est un pléonasme : les femmes nordiques sont froides, tout comme la photographie de mode déjà glaciale à la base.
Moderna Museet. Cette année, le musée d’art moderne de Stockholm a transféré une bonne partie de ses œuvres au musée d’art moderne de Malmö pour laisser place à la photographie. Il y a deux parties :
Possessed by the Camera (1970-2010) : photo montrant un changement d’identité, le travail de Duane Michals racontant d’étranges histoires autour d’une photo, l’avènement des artistes d’Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin, Eva Klasson et « Le troisième angle », paysage urbain, Hiroshi Sugimoto, photographie abstraite,…
See the world ! (1920-2010) : photo documentaire journaliste, Christer Strömholm, Diane Arbus, Irving Penn, photo surréaliste.
Une sale, au fond, expose les peintures non transferees à Malmö, parmi elles « L’énigme de Guillaume Tell » de Salvador Dalì.
Retrospective de la cubiste féministe suédoise Siri Derkert. Son travail ne me touche pas plus que cela, sans que je n’en sache pourquoi…
À l’extérieur du musée, les magiques statues de Nikki de Saint-Phalle.
Obsession de Lisbeth. Partout. Je cherche. Dans les rues sombres. Dans la foule. Dans les magasins. Dans les 7Eleven. Partout. Je cherche. Du regard. Son regard. Noir. Noir. Sa démarche silencieuse. Sa classe dangereuse. Son aura noir. Noir. Nulle part je ne la trouve. Même pas à la brasserie Kvarnen, là où elle se trouve tous les mardis soir avec ses copines rockeuses. Pourtant, j’y étais, ce mardi-là. Avec ma choppe, je l’attendais au comptoir.
Elle n’est jamais venue.
Riddarholmkyrkan. Edifiée en 1270 et achevée trente ans plus tard, sur Riddarholm, l’île des chevaliers. Les rois de Suède y sont enterrés. La tour est intéressante, vue d’extérieur, car comme faite d’un grillage en fer forgé, noir. Les parois de l’église sont couvertes de blasons des chevaliers de l’ordre des Séraphins.
Vasa Museum. Musée destiné à l’épave du Vasa qui a lamentablement chaviré le jour même de son embarcation dans le port de Stockholm l’été 1628. Je suis complètement fascinée… L’épave est placée au centre du musée, à 95% intacte grâce à l’absence de tarets (mollusques qui rongent le bois) dans la mer Baltique. En effet, le vaisseau royal a passé 333 ans au fond de la mer avatn d’être repéché par Anders Franzén, un spécialiste d’anciens bateaux, puis restauré. Le musée est sur plusieurs étages et raconte la vie en Suède à cette époque, les conditions de voyage sur le pont si le Vasa n’avait pas coulé aussi rapidement, expose des objets retrouvés dans le navire et les analyses des squelettes anonymes retrouvés. Plusieurs maquettes expliquent le renflouement du bateau, une autre a reconstitué le navire en miniature avec les sculptures et leurs couleurs d’origine. En effet, le navire, non seulement imposant de part sa taille démesurée, était somptueusement décoré d’une multitude de statues en bois sculptés et représentant de nombreux héros romains et autres symboliques caractères inspirés de l’art de la Renaissance, montrant à l’ennemi la puissance du roi Gustav Adolf. La raison du chavirement du bateau est absurde : il n’y avait pas assez de leste au fond du bateau. Et ils le savaient, puisque l’essai de gîte (des hommes qui courent d’un côté à l’autre du pont pour tester la stabilité du bateau) a échoué. Alors, pourquoi ont-ils mis les voiles ?...
Je regarde un film très intéressant qui explique divers techniques de restaurations. Il y a aussi des ordinateurs qui permettent de tenter de construire un bateau et qui explique certains points importants de la physique pour éviter le chavirement du navire.
Långholmen. Je me repose sur les pierres surplombant l’eau pour réfléchir un peu. Autour de moi, des couples en amoureux. Soudain, je flippe. Cet endroit est beau, si proche de l’eau, de la nature et de la ville à la fois.
Storkyrkan. La grande cathédrale de Stockholm, splendide, merveilleuse. Orange à l’extérieur, ne donnant d’ailleurs pas du tout l’aspect d’une cathédrale, son intérieur est richement décoré. Fascination pour le grand retable germano-suédois en argent et ébène.
St.-Klara Kyrka. Eglise assez glauque en face de la gare centrale. Autour d’elle, une parc avec des arbres et des gens qui pique-niquent. Des gens qui semblent absents, en dépit de leur corps qui se meuvent dans l’espace. L’intérieur est joli, très épuré.
En Suède, c’est plus évident d’être intolérant au gluten que végétarien.
Avant de partir, j’avais un trou dans l’âme, par lequel s’écoulait toute la colère et la haine contre le monde entier. Je suis partie pour digérer ma vengeance. A présent, je n’ai plus de raison de souffrir et faire souffrir. Il y a cependant quelque chose que j’ai découvert. En prenant conscience de chaque Masque que je porte, je les ai changés, peut-être détruits. J’en ai construits d’autres, cependant, car chaque pièce faisant fonctionner la mécanique d’une machine doit être remplacée si on l’ôte. Je devrai alors prendre un autre temps pour prendre conscience de ces nouveaux Masques. Ainsi va l’évolution de l’être humain et sa quête de lui-même qui ne s’arrêtera jamais…
Skansen. Ce parc est le plus vieux musée en plain air du monde. Créé en 1891 par Arthur Hazelius, il consiste à miniaturiser la Suède. C’est comme un grand village constitué de maisons datant du 16 au 18ème siècles, venant des quatre coins du pays. Dans la petite vieille ville, il est possible d’acheter son pain et quelques pâtisseries chez le boulanger, de refaire les armoires de la cuisine en achetant de nouveaux plats de chez la potière. Des hommes et des femmes en tenue d’époque se baladent et donnent des renseignements à qui le veut bien. Historiquement parlant, ce musée est la chose la plus incroyable que j’aie vue. Le soir, sur la place du marché, les habitants en costume d’époque présentent les diverses danses typiques suédoises sur un air de violon et d’un autre instrument piano-violon-vielle que je n’ai jamais vu. Il y a des aires de pic-nic agréables où les oies sauvages se harcèlent en se courant dessus, caquetant à tout va, sous les regards des pies perplexes. Un peu plus loin, des ours, des élans, des rennes, près des tipis sámi. Un vrai voyage à travers le temps et la Suède fascinante…
Dans le parc, il y a des paons. Ma fascination pour cet animal demeure sans limite. Je les écoute, les observe. Leur cri « Léooon ! » me guide. Je trouve enfin le mâle, avec son majestueux manteau bleu et ses multiples yeux noirs. Il fait des allers-retours devant devant une grille couverte d’une toile laissant percevoir l’ombre d’un autre mâle de l’autre côté, sa svelte silhouette découpée par le soleil en contre-jour. Je les observe un instant. C’est comme un jeu de miroir sans glace. Ils se perçoivent à travers la toile, s’aperçoivent dessous la grille et effectuent tous deux les mêmes mouvements que l’autre, laissant planer au-dessus d’eux une étrange agressivité silencieuse. Comme un rapport de force déséquilibrant la jalousie, basé sur ce physique aussitôt vu, aussitôt comparé au sien qu’on connaît tellement bien. Le paon, cet orgueilleux animal qui se valorise à travers sa superbe superficialité. Et moi, ce paradoxal être, qui cherche l’authenticité et vénère le roi de la superficialité.
Un peu plus loin, je vois un autre m’ale plus jeune, probablement, à en voir sa queue moins ornée et moins grande que les deux autres. Il fait la roue et fait trembler son plumage pour impressionner deux femelles devant lui qui restes insensibles. C’est un peu une métaphore de cette société, que je vois. Les filles qui ne s’ébranlent que devant les mecs qui sont les plus grands, les plus beaux, les plus forts et les plus séduisants. Quelle médiocrité… franchement.
Le Bonheur, c’est d’accepter ce qu’on a, ce qui veut bien de nous et ceux pour qui nous valons quelque chose, ceux que l’on impressionne pour ce que l’on est dans le fond des choses. Pas d’idéal. Simplement l’acceptation de ce qu’on est.
Les gens, je les ai vues. Les gens, je les ai observées. Dans la rue, dans le train et dans le bus. Au restaurant, assis au bar, dans les magasins. Les gens, je les ai regardées avec mes yeux de corruptrice scanner. Et je les hais. Je les hais parce qu’ils me fascinent. Ils sont médiocres et tellement centrés sur eux même qu’ils ne perçoivent même pas mon regard fixé sur eux. Ils restent là, la tête baissée, en admirant leur propre nombril. C’est fou tout ce que l’être humain a été capable de faire depuis le début. Construire, détruire, évoluer, se dégrader. Quand on aura atteint le sommet de la montagne que nous sommes en train d’escalader, je me demande comment on redescendra. J’espère simplement ne plus être là pour voir les dégâts.
Voyager, parfois, réfléchir, souvent, c’est comme s’ouvrir le ventre et entrer dans une machine à laver en train de turbiner, remplie de jus de citron.
Vioxymore, cette forme ronde dans un monde carré qui ne tourne pas rond.
Je n’avais aucune idée d’où j’allais. Mais j’y suis allée. Et je m’y suis trouvée.
Dans les rues de Stockholm, il y a des bornes avec des pompes à vélo.
En Scandinavie, les cigarettes sont si chères que les gens préfèrent acheter du snus. C’est comme un petit sachet de thé à la taille de ceux d’une dinette pour enfants et il se place sous la lèvre supérieure. Pas très sexy, mais il paraît que ça fait les mêmes effets que la cigarette. Son goût est très spécial et spécifique. Un goût de « vieille femme négligée » (P&P from Trondheim).
Fatiguée de réfléchir, d’écrire. Je profite de vivre tant qu’il est encore temps.
À Stockholm, je retrouve Annaëlle, une vieille amie du théâtre Diggelmann. On se rejoint quelques soirs boire des coups avec sa meilleure amie Laura. Elles sont venues s’exiler par ici dans le Nord sur un coup de tête. La plupart des clubs sont pas pour les jeunettes de 19 ans, alors on se rattrape dans les bars où la musique est très forte, où les Suédois dansent comme des gamins qui prennent leur première cuite et les filles déguisées en prostituées anorexiques s’y croient à mort dans un coin sombre, attendant qu’un homme veuille bien d’elle juste pour la nuit au moins. Comme la musique est forte, et comme même quand on crie on ne s’entend pas, eh bien on boit. C’est la règle, semble-t-il.
Un soir, en rentrant un peu tard, je rencontre un Français de Toulouse qui vient tout juste de débarquer à l’auberge. Je souris en le voyant faire son lit dans le noir car je ressens son excitation de vagabond qui met les pieds pour la première fois dans une ville inconnue. Beau sentiment que j’ai tant aimé vivre… On discute un peu en Anglais avant de comprendre qu’on parle les deux Français.
Millennium Tour. Rendez-vous à Bellmansgatan 1, la rue où vit Mikael Blomksvist dans le quartier Södermalm, la plus grande des quatorze îles qui forment l’archipel stockholmois. Des touristes, la plupart américains, de tout âge. Plusieurs me demande si je suis la guide. Malheureusement pas. Ou peut-être pas encore. La vraie guide débarque : une petite femme d’un certain âge déjà. Je plonge dans la fascinante atmosphère Millennium. La guide donne énormément de détails très précis montrant le génie de l’écrivain Stieg Larsson et sa manière incroyable de mêler le réel au fictif, donnant un sens à chaque lieu présent dans le livre. Ce tour a été mis sur pied par le musée de la ville de Stockholm pour permettre aux gens de connaître l’histoire de ce quartier en suivant les pas de Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist. Stieg Larsson avait prévu d’écrire dix tomes de cette série devenue une trilogie à cause de la mort prématurée de l’auteur qui menait une vie malsaine, se nourrissant de fumée, de fast food et de café. Cette idée me rend folle. Tant de détails ne sont pas éclaircis dans les bouquins, tant de choses restent quelque part en suspens. C’est presque insoutenable d’y replonger… Bref, un moment génial avec une guide superbe. On finit le tour au Musée de la ville de Stockholm car il y a la reconstitution des bureaux de Millennium.
Mellqvist Kaffebar. Là où Millennium est né ! Ayant les bureaux d’Expo au-dessus, Stieg Larsson venait ici boire du café en fumant pour écrire. Café tranquille où ils font des encas sur le pouce et du bon tchai latte.
Soirée Blommor och Bin. Annaëlle et Laura me donnent rendez-vous à l’ouest de Söder, avant le pont Västerbron, sur la petite île de Långholmen. Il y a un terrain vague tout poussiéreux. Je l’avais déjà repéré la première fois que j’étais venue ici. Sauf que là, on ne voit plus le sol. Des centaines de gens dansent dans la poussière toute la journée sur de l’électro en plein air. C’est comme le Berghain, mais à l’extérieur. Les gens sont incroyablement fascinants. Je passe plus de temps à les observer qu’à danser. Ils semblent tellement lointains, quelque part, emportés par les rythmes électroniques qui plongent dans leurs tréfonds pour les jeter en l’air. Il paraît que cette soirée a lieu trois fois par an. Quelle chance nous avons eue !
Eglise Sank Maria Magdalena. À l’ouest de Söder. Quelqu’un joue de l’orgue. C’est beau et effrayant à la fois.
Les Stockholmois aiment pêcher dans le lac de la ville, surtout la nuit vers une heure du matin.
Constamment dans mes réflexions, je m’exile. Je quitte Gamla Stan et sa belle auberge pour aller à Af Chapman, l’auberge dans un bateau à Skeppsholmen. Là-bas, je mange quelque chose et discute avec la serveuse qui rêve de partir à Paris apprendre le français. Ses yeux s’illuminent quand on parle cette langue. Je croise aussi le chemin d’une certaine Dalila, une Française écrivaine, le genre d’artiste hors du monde qui ne parlent que d’eux-mêmes, un peu incohérents et bourrés de rêves enchevêtrés d’ondes étranges. Sinon, l’auberge est superbe. Elle tangue un peu, mais l’esprit du bateau est là. Et j’adore ça…
National Museum. Belle série de peintures hollandais du 16 au 18ème siècle, dont de magnifiques Rembrandt puis quelques belles œuvres des génies français. Une curieuse collection de miniatures. Une expo présentant les vices dans la peinture et son évolution avec l’apparition de la photo et la vidéo. Quelques noms que j’avais déjà vus à l’expo « Vice et Volupté » à Berne, dans la partie Luxure, évidemment. De merveilleux peintres suédois sont présentés à travers l’exposition « Quatre saisons », montrant leur pays natal sous ses quatre angles. Ce musée présente une belle section design suédois.
Nous sommes le dimanche 10 juillet 2010. Il y a cinq mois et deux jours exactement, j’avais reçu un message d’une certaine personne qui m’annonçait qu’elle avait un billet aller simple pour la capitale suédoise et qu’elle arriverait à cette date-là, à 22h20.
Mon voyage en solo prend fin ce soir, à l’aéroport d’Arlanda, où j’ai attendu pendant une heure qui a paru comme un an cette personne chère que j’attendais en réalité depuis le début.
Oui, le musée Vasa... je crois qu'une des théories du départ du navire malgré son manque de lest est qu'aucune personne n'a osé dire au Roi que son merveilleux navire était mal conçu...
RépondreSupprimerPierre B.